Chapitre 1
Noir. Tout était noir. Dans le silence absolu, Marie entendait des personnes murmurer son nom à son oreille. Elle aurait aimé leur répondre mais elle n’arrivait pas à ouvrir les yeux. Que se passait-il ? Marie ne se souvenait pas de grand-chose. Elle était allongée sur un matelas extrêmement dur et elle sentait quelque chose à l’intérieur de son nez qui la dérangeait. Elle sentait une main serrer la sienne et une femme semblait pleurer en l’appelant. Avec toute la volonté qu’elle put rassembler, Marie finit par ouvrir doucement les yeux. A ce moment, une femme blonde, les yeux cernés et rougis, se pencha sur elle et lui dit :
– Marie, ma chérie ! Enfin ! Tu es réveillée !
La femme se tourna sans lâcher la main de Marie et se mit à crier :
-S’il vous plaît, un médecin !
Marie ne comprenait pas. Qui était cette femme ? Et pourquoi criait-elle ainsi ? La femme se tourna de nouveau vers elle et lui sourit tendrement.
– Je suis si contente que tu sois enfin réveillée, ma chérie. Tu nous as fait très peur, tu sais. Comment te sens-tu ?
Marie allait ouvrir la bouche quand un homme à la peau mate et aux cheveux noirs pénétra dans la chambre. Il abordait un grand sourire et lui dit :
-Alors, princesse, on fait des frayeurs à son vieux père ?
Marie ne savait pas quoi répondre. En fait, Marie ne reconnaissait pas ces gens qui, si elle avait bien saisi, étaient ses parents. Un médecin arriva et lui aussi souri aussi. Il s’approcha d’elle, vérifia ses constantes sur les appareils installés à côté de son lit, et se mit à parler à Mr et Mme Torres. Marie avait entendu le médecin prononcer leur nom. Après quelques minutes de discussion, les trois personnes revinrent vers la jeune fille qui restait toujours silencieuse. La femme lui demanda de nouveau comment elle se sentait. C’est là que Marie répondit avec étonnement :
-Qui êtes-vous ? Sur ses mots, les yeux de la femme s’agrandirent et elle porta la main sur sa bouche grande ouverte. L’homme qui l’avait appelé princesse fronça les sourcils et se tourna sur le praticien en quête d’explication. Le médecin se rapprocha de Marie. Gentiment, il se mit à lui poser des questions.
-De quoi te souviens-tu ? Tu sais comment tu t’appelles ? Tu sais ce qu’il t’est arrivé ?
Marie ne savait pas quoi répondre à part qu’elle se souvenait de son prénom. Le reste semblait plongé dans le noir. Non, elle ne savait pas qui étaient ces gens, et non elle ne savait pas comment elle avait fini à l’hôpital. Voyant son regard se remplir de larmes, le médecin laissa la jeune fille se reposer et demanda aux parents s’ils pouvaient le suivre dans le couloir. Se retrouvant seule, Marie essaya vainement de faire remonter les souvenirs mais, pour l’instant, rien ne lui venait.
Pourtant, elle éprouvait une peur intense et inexpliquée, comme si elle se sentait menacée par quelque chose de maléfique. Elle se sentait comme épiée, surveillée par quelque chose ou quelqu’un qu’elle ne pouvait pas voir. Elle essaya de calmer son angoisse en se disant qu’elle devait imaginer tout ça et que son état psychologique devait être la conséquence de la raison de son hospitalisation.
Pendant que ses parents parlaient au docteur, Marie essaya doucement de se redresser sur son lit mais dès qu’elle se souleva, sa tête se mit à tourner et l’envie de vomir se fit sentir. Elle se recoucha et porta doucement la main sur sa tête. Elle sentit alors un énorme bandage. Elle avait dû se blesser et se fracturer le crâne. Cela expliquait peut-être pourquoi elle ne se souvenait de rien. Tournant lentement la tête vers le couloir, elle vit ses parents revenir dans la chambre. Ils semblaient inquiets. Sa mère s’installa dans un fauteuil à côté de sa table de chevet et son père vint s’asseoir à l’autre bout du lit. Ils la regardèrent un instant sans rien dire et Marie commença à se sentir mal à l’aise.
-Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.
Son père la regarda d’un air inquiet et soupira.
-Marie, tu as fait une mauvaise chute chez ton amie Amélie. Sa mère nous a raconté qu’elle avait entendu crier dans la chambre de sa fille et qu’elle t’avait trouvé étendue sur le sol et que tu saignais à l’arrière de la tête. Amélie lui aurait dit que tu t’étais prise les pieds dans le tapis de sa chambre et que tu serais tombée en arrière. Elle a essayé de te rattraper mais elle n’a pas été assez rapide. Ta tête a cogné contre le coin de son bureau. Comme tu ne reprenais pas connaissance, sa mère a appelé une ambulance et est venue nous prévenir. A ton arrivée, tu es tombée dans le coma. Nous avons prié tous les jours, ta mère et moi, pour que tu nous reviennes. Nous sommes heureux que tu sois enfin réveillée. Quant à ton amnésie, le docteur pense que c’est consécutif à la fracture crânienne que tu as subie. D’après lui, ta mémoire pourrait revenir n’importe quand. Tu es quand même restée un mois dans le coma. Il te faudra du temps pour récupérer. Mais je suis sûr que tout ira bien, je te le promets.
Marie ne savait pas quoi dire. Elle ne se souvenait pas de sa mésaventure et encore moins d’une certaine Amélie. Pourtant, ce nom résonnait comme un écho dans sa mémoire. Mais quand elle essaya de se rappeler d’où elle le connaissait, le souvenir semblait s’éloigner. Marie soupira d’exaspération. Sa mère la rassura en lui disant qu’elle était sûre que les choses reviendraient à la normale en temps voulu et que pour l’instant Marie devait se reposer. Voyant que leur fille semblait fatiguée, Arturo et Evelyne décidèrent de rentrer à la maison en promettant à Marie de revenir le lendemain matin. Ils étaient épuisés, ayant veillé leur fille depuis son accident. Ils l’embrassèrent tendrement et sortirent de la chambre.
Se retrouvant de nouveau seule, Marie regarda autour d’elle. Son visage pâle se reflétait sur la vitre de sa chambre. Elle regarda par la fenêtre un moment et sentit qu’elle allait de nouveau s’assoupir. Au moment où elle se sentait envahir par le sommeil, un mouvement derrière la vitre attira son attention. Marie se concentra sur ce mouvement et finit par comprendre ce qu’elle voyait. Derrière la vitre, un visage blafard avec un sourire effrayant l’observait, immobile, l’air de la narguer. Marie était tétanisée. Elle ferma les yeux très forts, en priant pour que ce ne soit qu’une hallucination. Quand elle les rouvrit, le visage avait disparu. Soulagée, elle regarda encore un moment la vitre mais, mis à part le soleil couchant, elle ne distinguait plus rien. Elle finit donc par s’endormir.