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Dystopies, Science-fiction

Chapitre 2 Le fracas des lames

Autour du puits, les civils s’étaient massés en silence, ou presque. Les plus jeunes pleuraient à moitié, blottis contre leurs mères. Les blessés gémissaient, soignés à la hâte par Rima, pâle mais déterminée, et par deux apprentis Porte-rune aux gestes encore maladroits. L’un avait la rune de l’eau. Il appliquait de la glace pour contenir les saignements. L’autre, une marque tellurique sur le front, murmurait des paroles de réconfort à un vieillard blessé. Fiona faisait la navette entre les enfants et les adultes, distribuant couvertures et mots doux. Elle tenait bon. Parce qu’elle devait tenir. Parce que Pearl était dehors.

Avvallino, lui, gardait l’entrée de la taverne, couteau de cuisine en main. Il ne parlait pas. Il observait. Le silence qu’il dégageait imposait le calme. Mais la peur rampait.

Et soudain, elle bondit.

Un hurlement. Puis deux. Une silhouette jaillit d’un toit effondré : un pirate crasseux, les yeux fous, hurlant un chant obscène. Il brandissait une machette et s’élança vers les civils. Avant même que quiconque ne réagisse, un second surgit derrière la foule, un poignard à la main, les yeux braqués sur une mère accroupie.

La panique éclata.

– ILS SONT LÀ ! hurla quelqu’un.

Le premier pirate courait déjà vers le puits. Il n’atteignit jamais sa cible. Avvallino l’intercepta sans un mot. Son bras fendit l’air : le couteau de cuisine se planta dans la gorge du brigand avec une précision chirurgicale. L’homme tomba à genoux, les mains sur sa plaie, et s’effondra dans un gargouillis.

Le second tenta de reculer, pris de panique. Les apprentis Porte-rune réagirent, un bouclier d’eau puissant vint déséquilibrer l’assaillant, le jetant à terre. Le garçon au front marqué tendit la main : une vrille de racines émergea du sol et enserra les jambes du pirate, le clouant au pavé. Rima se redressa, le front couvert de sueur.

– À couvert, vite !

Fiona aida les enfants à se recroqueviller sous une charrette renversée. Le calme revint, brutalement. Le pirate encore vivant grogna sous les liens végétaux, mais n’inspirait plus de peur.

Avvallino essuya lentement son couteau sur la tunique du mort.

– Si d’autres s’approchent, ils finiront comme lui.

Fiona lui lança un regard plein de gratitude mêlé d’inquiétude.

– Pearl va tenir, dit-elle doucement. Elle doit tenir.

Et dans le tumulte au loin, le hurlement d’une lame enflammée déchirait encore la nuit.

~~~

|Pearl L’Éclat Implacable|

Ils étaient six.

Six pirates hurlants, bardés de lames, le regard noyé dans la fureur et la folie.

Ils encerclèrent Pearl, pensant la noyer sous le nombre. Ils n’en eurent pas le temps.

Sa rune pulsait à son poignet droit comme un cœur trop plein, irradiant une lumière blanche qui, par instants, virait à l’or. Sa lame ruisselait d’éclats aveuglants. Ses yeux, d’ordinaire calmes, s’emplirent d’un feu ancien.

Elle inspira une seule fois, courte, tendue.

Puis elle attaqua.

La première frappe fut un trait de lumière. Un cou tranché, un corps effondré. Elle pivota sur elle-même, esquiva un coup, coupa net un bras qui volait encore lorsqu’elle transperça le second assaillant. Elle enchaînait avec une grâce presque irréelle. Comme si une volonté plus vaste dansait à travers elle. Son cri fendit l’air, une vibration pure qui fit trembler les vitres. La rune sur son poignet se mit à brûler.

Le troisième pirate voulut fuir. Pearl tendit la main : la lumière jaillit en un arc aveuglant, le frappa de plein fouet et l’enflamma de l’intérieur. Il chuta, un hurlement coincé dans la gorge.

Le quatrième eut juste le temps de lever son épée. Pearl le désarma d’un revers de poignet, se glissa sous sa garde, planta sa lame dans sa cage thoracique jusqu’à la garde. Un grondement sourd accompagna l’impact.

Les deux derniers s’élancèrent en même temps. Elle bondit entre eux, une explosion de lumière jaillit de son corps. Un dôme éphémère, brutal, les projeta à plusieurs pas.

Elle n’en laissa aucun se relever. Le silence se fit autour d’elle. Il ne restait que son souffle court. La lumière qui vibrait encore.

Autour d’elle, les Porte-rune ralentirent, figés. Un jeune au regard d’acier recula d’un pas. La femme au manteau de cuivre, celle de la terre, la fixa longuement, presque effrayée.

Et tous reculèrent d’un souffle, se souvenant des mots que Marcus murmurait parfois à voix basse :

« Vous ne la comprenez pas encore. Elle n’est pas juste douée. Elle est née de la rune. Elle est ce que nous avons peur de devenir. »

Et Pearl, les tempes bourdonnantes, ne vit rien de tout cela. Elle se tourna, sa lame encore fumante, et courut rejoindre Marcus.

 

~~~

|Marcus L’Écarlate|

Le duel continuait.

Marcus souffrait. Son épaule saignait abondamment. Chaque respiration brûlait dans sa poitrine. Mais il tenait.

Face à lui, la bête hurlait à la lune absente, la hache toujours levée, les muscles gonflés d’une rage insensée. Marcus para une nouvelle frappe. Le choc fit trembler son bras jusqu’à la clavicule. Il recula, feinta, tenta un revers. L’autre esquiva à peine. Il ne sentait rien. Rien d’humain dans ce colosse, sinon la haine.

– Tu vas tomber, Porte-rune ! cracha l’ennemi.

Marcus sourit, les dents rouges.

– Pas aujourd’hui.

La rune de feu s’embrasa. Sa lame s’allongea d’une langue incandescente. Il fit tournoyer son épée, décrivant des cercles de chaleur autour de lui.

Le pirate fonça.

Marcus pivota sur son pied arrière, le laissa s’engager, et au dernier instant, il glissa sous la hache. Tout son poids se projeta dans le mouvement. Sa lame fendit l’air en une trajectoire parfaite, chirurgicale, définitive. Le cou du monstre céda dans un shlak humide et sec à la fois.

La tête roula sur les pavés.

Le corps demeura debout une seconde, avant de s’écrouler dans un fracas sourd.

Soudain, au loin, des cris. De victoire, de peur, de stupeur.

Marcus se tenait là, ruisselant de sueur et de sang, le souffle court, sa rune encore rougeoyante.

Tous le regardaient. Même les Porte-rune. Pearl arriva juste à temps pour le voir se redresser et murmurer, presque pour lui-même :

– Alors c’est ça… une légende, hein ?

Ils se souvenaient, maintenant, pourquoi on l’appelait l’Écarlate.

~~~

Le combat était terminé.

Mais le silence, lui, pesait plus lourd que les cris. Pearl se tenait debout, au milieu des corps.

Ses bras pendaient le long de son corps, couverts de sang qui n’était pas le sien. Sa lame fumait encore, tiède.

Autour d’elle, tout semblait s’être figé. Comme si le monde, lui aussi, retenait son souffle.

Une odeur épaisse lui brûlait les narines : celle du fer, du cuir mouillé, des entrailles déchirées. Le sang couvrait les pavés en traînées noires, gluantes. Des morceaux de chair, de tissu, de vie… éparpillés comme des feuilles mortes.

Elle inspira, mais l’air avait changé. Il était lourd, saturé. Chaque respiration goûtait la mort. Son cœur cognait dans sa poitrine comme une bête enfermée. Ses tempes pulsaient.

Sa rune luisait encore faiblement. Un dernier battement de lumière blanche, puis plus rien. Éteinte. Elle baissa les yeux.

Le pirate qu’elle avait brûlé gisait là, les orbites vides, figées dans une expression de terreur pure. Il n’était plus qu’une carcasse noircie, une coquille vidée.

Ses doigts tremblèrent. Ce n’était pas la première fois. Elle avait tué avant. Elle était formée pour ça. Mais quelque chose, cette fois… quelque chose s’était ouvert en elle. Ou brisé.

Son regard glissa vers les autres corps. L’un avait le visage jeune. Trop jeune. Un duvet encore tendre au menton. Un autre avait gardé, même dans la mort, un air de surprise. Comme s’il n’avait jamais cru que ça finirait là. Pas comme ça.

Elle sentit sa gorge se serrer. Pas de larmes. Juste un nœud. Un vertige. Une solitude immense, glaciale, comme un gouffre qui s’ouvrait en elle.

Les sons revinrent lentement, étouffés :

Des pas qui couraient. Des gémissements au loin. Des cris d’appel. Mais Pearl n’écoutait plus.

Elle se laissa tomber à genoux, une main au sol, l’autre posée sur son front.

Un souffle. Deux.

Elle ferma les yeux. Dans le noir de ses paupières, la lumière avait laissé une trace. Comme une cicatrice de feu.

Elle se vit, l’espace d’un instant, de l’extérieur : une silhouette baignée de lumière, le regard incandescent, le geste implacable.

Et ce n’était pas elle. Pas vraiment. Quelque chose en elle se réveillait. Ou prenait trop de place. Elle n’en savait rien. Elle n’osa pas y penser plus.

Des mains se posèrent sur ses épaules. Des voix l’entouraient à nouveau.Quelqu’un l’appelait. Peut-être Fiona. Peut-être Agathe. Elle ne savait plus.

Pearl se redressa lentement, les traits figés, les yeux vides. Elle n’avait pas froid. Et pourtant, elle frissonnait.

~~~

 

Erreur 1073 – Tropes et Présentation

Cher lecteur, aujourd’hui, j’ai décidé de te parler de ma dystopie YA disponible sur mon Wattpad : May_Pik, j’ai nommé : Erreur 1073.

Erreur 1073 est une dystopie avec pour thématiques principales, la quête de bonheur et de liberté et la lutte contre le système de castes.

Dans ce roman, les êtres humains sont divisés en castes selon leurs habilités définies à la naissance. Par exemple, une personne née avec un bon taux de fertilité et une bonne empathie sera un reproducteur. Nous allons alors suivre la jeune Valentine, unique reproductrice de son école depuis toujours. Elle est donc solitaire et renfermée, mais va pour la première fois de sa vie susciter l’intérêt d’un de ses camarades de classe, Marcus, un bureaucrate. Ils vont tous les deux découvrir qu’ils sont des anomalies souvent éliminées par le gouvernement et quittent leur Cassis natale pour se lancer à la recherche des Data Center détenant la mémoire de l’humanité. Valentine et Marcus vont alors faire de nombreuses découvertes concernant les anomalies jusqu’à arriver aux abords de Paris où se situent les Data Center. Cependant, tout ne se passe pas comme prévu et ce qui rimait avec belles rencontres va alors rimer avec Enfer sur Terre.

Je ne t’en dis pas plus afin de ne pas te spoiler. Si tu as envie de lire Erreur 1073, rendez-vous sur mon Wattpad : May_Pik !

À très bientôt !

Love, 

May.

 

Chapitre 1 : Lueurs d’albâtre

« Il n’y a pas de maître des runes. Seulement des porteurs, et des survivants. »

Fragment de litanie oubliée

~~~

| Nerhaël, port occidental |

Le port de Nerhaël s’éveillait doucement sous une lumière pâle. Les premières voiles s’étaient détachées de l’horizon, glissant sur les eaux d’encre comme des fantômes matinaux. Pearl avançait sans but précis, sa cape rabattue contre le vent humide. Les pavés luisants reflétaient les lanternes encore suspendues aux auberges fermées, et une odeur mêlée de sel, de poisson et de bois brûlé flottait dans l’air.

Elle avait quitté la taverne avant l’aube, sans prévenir Fiona ni Marcus. Par besoin de silence, ou pour fuir les questions qu’elle sentait venir. Dans sa paume, la rune gravée vibrait doucement d’une lumière d’albâtre, comme un cœur étranger tapi sous la peau. Depuis son dernier songe, elle avait du mal à la faire taire.

Un marchand somnolent faisait rouler des tonneaux vers un entrepôt. Plus loin, deux enfants en haillons jouaient à faire semblant d’être des Porte-rune, traçant des glyphes dans la poussière avec des bâtons de bois.

Elle s’arrêta un instant près de l’un des docks, observant un vieux marin assis sur un tabouret, en train de réparer un filet. Il leva les yeux vers elle.

– Vous cherchez quelqu’un, p’tite flamme ?

Elle sourit à peine. Le surnom n’était pas rare depuis que sa rune s’était illuminée devant les siens. La lumière appelle les regards.

– Non. Juste… je regarde la ville s’éveiller.

Le vieux hocha la tête, comme si c’était une réponse valable. Puis il ajouta, d’un ton tranquille :

– Alors regardez bien. Y’aura pas toujours des matins calmes, ici.

Elle le fixa un instant, cherchant une note d’ironie, mais il s’était déjà replongé dans son ouvrage.

Une cloche sonna depuis la tour des Arpenteurs. L’heure du relais. Les patrouilles allaient changer. Elle y retrouverait sans doute Marcus, raide comme un bâton, à faire ses tours sans sourire. Un devoir, disait-il. Comme si le monde tenait debout par la seule volonté de ceux qui gardaient la ligne.

Pearl hésita. Ses pas la menèrent plus loin, vers les ruelles étroites bordées d’étals de fruits étranges, de potions marines et de charmes à demi-légaux. Des voix de vendeurs commençaient à jaillir, mêlées aux cris des goélands. Une jeune femme chantait dans une langue oubliée, accompagnée d’un instrument à cordes dissonant.

Et tout semblait paisible.

Les rues de Nerhaël s’étiraient dans un calme matinal presque trop parfait. Pearl longeait les quais, la tête légèrement penchée, le regard pris entre les voiles amarrées et les ombres des mâts qui s’étiraient sur les dalles. La ville n’était pas encore tout à fait éveillée. Juste un peu bruissante, comme si elle murmurait dans son sommeil.

Elle s’arrêta brièvement en apercevant ce navire sans nom, niché à l’écart, voile noire repliée, étrangement silencieux. Une marque gravée sur la proue, un cercle fendu, attira son œil.

Un souffle glacé effleura sa nuque. Elle fronça les sourcils.
Encore…

Mais elle secoua la tête.
Non. Pas maintenant. Pas toujours. Arrête de voir le mal partout, Pearl…

Elle détourna les yeux et reprit sa route, forçant son esprit à ne pas s’y attarder. Elle n’était pas en patrouille, pas en mission. Juste une Porte-rune fatiguée, juste une illusion.

Le pavé humide céda la place à des planches grinçantes lorsqu’elle monta le petit escalier menant à la taverne d’Avvallino. À travers les fenêtres, une lueur dorée filtrait déjà, et les sons familiers de casseroles qu’on heurte, de couteaux qu’on affûte et de voix endormies réveillèrent quelque chose en elle.

Un fumet gras de pain grillé, de ragoût d’écrevisses et d’herbes chaudes lui caressa les narines. Une odeur de vie. De foyer.

Son pas se fit plus lent. Une mèche de cheveux lui tomba devant les yeux. Elle ne la repoussa pas. Pour une fois, elle se surprit à ne pas se presser. Elle monta les trois dernières marches comme on rentrerait chez soi.

Elle poussa la porte.

– T’es revenue, toi, lança la voix rocailleuse d’Avvallino derrière son comptoir. J’allais envoyer un filet te chercher.

Il lui adressa un clin d’œil, les mains pleines de farine et le tablier taché de sauce. Dans l’âtre, un feu ronflait doucement. Fiona riait dans la cuisine en se chamaillant avec Rima à propos de la quantité de sel dans la marmite.

Le silence dans son cœur commença à se fissurer. Un coin de ses lèvres s’étira. Pas un sourire plein, non. Mais presque. Son éternel air taciturne faillit se dissiper.

Et alors,
les cloches.

Une. Deux. Trois. Urgentes. Frappées à toute volée depuis la tour du port.
Puis un cri.
Puis d’autres.

Le vacarme des bottes. Des lames. Du bois brisé.

Pearl se retourna vers la porte, son cœur déjà au pas de course.
Sa rune brûla violemment sous sa peau.
Cette fois, sans ambiguïté.

Nerhaël, encore ensommeillée, venait d’être éventrée.

~~~

Les cloches hurlaient, déchirant l’air calme comme un couteau la peau d’un fruit trop mûr.

Pearl resta figée un instant dans l’entrebâillement de la porte, le regard tendu vers l’extérieur, les muscles déjà prêts à bondir. Mais elle ne bougea pas.

Pas tout de suite.

Derrière elle, le silence avait chuté comme un voile de givre.
Avvallino s’était figé, un torchon suspendu dans la main, la vapeur du plat s’évanouissant doucement dans l’air froid. Son regard noir avait perdu toute chaleur.

– Ne fais pas la folle, grommela-t-il, d’un ton plus bas qu’un souffle. T’as pas à…

Il s’interrompit en croisant son regard. Il savait. Il savait qu’elle n’écouterait pas.

Fiona, debout dans l’embrasure de la cuisine, tenait toujours une louche. Ses doigts tremblaient à peine, mais c’était suffisant. À ses côtés, Rima semblait s’être réduite à une ombre, pâle et pétrifiée. Tous leurs regards, anxieux, la suivaient déjà.

Pearl inspira profondément. Une fois. Deux fois.

Puis elle tourna les talons et monta quatre à quatre l’escalier vers la chambre. Ses bottes frappaient le bois comme un glas.

Le coffre de voyage l’attendait au pied du lit, lourd, solide, marqué des routes qu’il avait déjà connues. Elle l’ouvrit d’un coup sec.

À l’intérieur : le gilet de cuir renforcé, la ceinture d’attache, les deux bracers gravés. Son équipement de Porte-rune. Elle les enfila sans un mot, les gestes nets, assurés, presque rituels. Chaque boucle refermait un peu plus la peur sous sa peau.

Dans un compartiment doublé de tissu sombre, reposait l’arme.

Le présent d’Angus.

Une lame droite, longue et élégante, ciselée de runes anciennes. Le métal, clair et profond, luisait doucement même dans l’ombre, comme s’il reflétait une lumière venue d’ailleurs.

Pearl la sortit lentement du fourreau. La lame vibra dans sa main. Et sa propre rune, gravée à la base de sa paume, s’embrasa d’un éclat d’albâtre. L’air sembla se figer un instant autour d’elle.

Elle descendit sans un mot.

Fiona voulut dire quelque chose, mais aucun son ne sortit.
Rima recula d’un pas, comme si la magie qu’elle portait irradiait quelque chose d’incompréhensible.

Avvallino la regarda passer, le poing serré. Les mâchoires nouées de colère contenue.

Mais il ne la retint pas.

La porte claqua derrière elle.

Et Pearl se mit à courir.

Les rues de Nerhaël vibraient du vacarme des cris, du bois qu’on fracassait, du métal contre le métal. Le ciel, encore lavé d’aube, semblait indifférent au carnage. Des silhouettes s’élançaient entre les bâtisses, des portes volaient en éclats, et les premières flammes grimpaient déjà sur une charpente, léchant le bois sec comme des langues affamées.

Au bout d’une allée, près du grand escalier menant aux docks, elle le vit.

Marcus.

Il était debout au milieu des débris, droit comme un menhir, torse nu sous un manteau déchiré. Sa carrure large imposait un calme presque brutal. Des cicatrices anciennes zébraient ses bras, mais c’était son regard qui frappait le plus, un gris profond, comme du silex mouillé. Impitoyable.

La rune de feu sur son poignet brillait d’un éclat féroce, tremblant presque de rage contenue. Des gerbes d’étincelles couraient déjà sur la lame qu’il tenait à deux mains. Un glaive épais, plus lourd que celui de Pearl, taillé pour fendre l’armure autant que les portes.

Quand leurs regards se croisèrent, il hocha simplement la tête.

– T’as pris ton temps, souffla-t-il, sans sourire.

– Je suis là maintenant, répondit Pearl. L’épée haute. Le souffle déjà court.

Un cri perça l’air.

Trois silhouettes en armure de cuir sombre surgirent depuis un escalier adjacent, visages dissimulés sous des foulards noirs. Sur leur tempe gauche, tatoué en rouge, l’emblème de la Fraternité des Brumes.

Ils fondaient déjà sur eux.

~~~

La ville hurlait.

Nerhaël, perle tranquille des côtes occidentales, s’était changée en piège de sang et de flammes.
Les premiers pirates, surgis des ombres, n’étaient plus des silhouettes furtives.
Ils formaient une meute brutale et disciplinée, déferlant depuis les docks comme une vague noire.
Ils bondissaient sur les étals, renversaient les charrettes, pourchassaient les civils sans la moindre hésitation.
Des corps heurtaient le pavé dans des gerbes de sang. Des portes volaient en éclats. Des enfants étaient arrachés à leur sommeil.
Les torches pleuvaient sur les toitures. Les bottes salies de sel et de violence piétinaient les rues.

Un cri aigu déchira l’air.

Pearl, postée à l’angle d’un passage en contrebas, l’aperçut : une femme traînée par les cheveux par deux hommes. Elle se débattait faiblement, le regard fixe de terreur. Non loin, un homme s’était effondré, abattu d’un coup de hache dans le dos alors qu’il tentait de fuir.

Pearl serra la garde de son arme.
– Je la vois, dit-elle à Marcus. On n’a pas le temps.

La Fraternité des Brumes ne pillait pas. Elle anéantissait.

Alors, Pearl et Marcus entrèrent dans la danse.

La lame runique de Pearl traçait dans l’air une courbe d’argent pur. Elle fendit la gorge d’un pirate d’un revers net. Un autre s’élança, elle para, glissa sur sa droite, planta sa lame dans le creux de sa hanche. Il hurla. Elle le fit taire.

À ses côtés, Marcus frappait comme un forgeron enragé.
Sa grande épée de feu décrivait des arcs rouges et dorés. Lorsqu’il frappa un pirate en pleine poitrine, la rune s’embrasa : le choc explosa en une gerbe de flammes, carbonisant les chairs, projetant deux autres assaillants au sol.

– T’as vu le navire ?! lança-t-il entre deux souffles.

– Voile noire. Cercle fendu. Aucun pavillon connu.

– Fraternité des Brumes, affirma Marcus. Ils viennent pas pour l’or. Ils viennent pour nous.

Et soudain. Un rugissement dans l’air.

Un Porte-rune fendit les cieux depuis les toits. Son manteau claquait dans son sillage. Il atterrit sur un groupe d’assaillants dans une explosion de vent tranchant, dispersant les corps comme des feuilles mortes.

Une seconde silhouette surgit : une femme vêtue de cuivre et de lin blanc. Elle ouvrit les bras vers le sol. D’un geste, elle invoqua la terre et des piliers de roche jaillirent pour dresser une barricade entre les civils en fuite et les pirates.

Un troisième Porte-rune apparut à l’angle d’une boutique effondrée. Jeune, le regard vide, les bras levés. Une onde de givre s’étira comme un souffle de mort, gelant les jambes d’une escouade ennemie.
Pearl fondit sur eux, lame au poing, sans ralentir.

La rue entière devint un champ de bataille surnaturel.
Flammes. Gel. Roches. Vent.
Les pouvoirs telluriques se libéraient sans retenue, chaque impact portait la colère d’un monde ancien réveillé.

Mais Pearl n’avait qu’un objectif.

Elle repéra la femme à nouveau, repoussée contre un mur de pierre, les mains en sang, à moitié inconsciente. Un des pirates levait déjà la lame.

– Pas elle, pas aujourd’hui.

Elle bondit, glissa sous une hallebarde, fendit un flanc, esquiva une masse. Le pirate s’était retourné, trop tard. Pearl enfonça sa lame dans sa clavicule, le repoussa d’un coup de genou, trancha la gorge du second.
La femme haletait, les yeux vides de larmes. Pearl lui attrapa le bras.

– Va. Le vieux Puits. Y a des Arpenteurs là-bas.

– M… merci…

Pearl n’attendit pas. Déjà d’autres ennemis arrivaient.

Et alors, il apparut.

Un chef.
Pas un simple pirate. Une montagne.
Six pieds et demi. Nu-torse malgré le froid du matin, le corps peint de glyphes rouges et noirs. Ses bras énormes semblaient gonflés de rage.
Il portait une hache d’abordage dans chaque main.
Ses yeux, jaunes, luisaient comme ceux d’un fauve.

Mais ce n’est pas cela qui fit reculer Pearl.

C’était la rune.

Au centre de son torse, dissimulée sous l’encre noire, une marque pulsait. Obscure. Vivante. Une rune tordue, fendue en son milieu, comme si elle luttait contre son propre porteur. Une rune d’ombre.

– MARCUS ! hurla-t-elle.

Trop tard.
La bête chargeait déjà.

Marcus ne bougea pas. Il planta ses pieds dans la terre noire et rugit à son tour. Sa rune s’embrasa, inondant sa lame d’une lumière incandescente.

Le choc fut titanesque.

Les haches du monstre frappèrent en croix. Marcus para. Un cri d’acier, une gerbe d’étincelles. Il fut repoussé de trois pas, grogna. Il contre-attaqua, fendit l’air, toucha. La hache gauche de l’ennemi vola en éclats.

Mais l’autre frappa Marcus à l’épaule.
Un coup violent, profond.

Le feu jaillit en retour.

Les deux géants se faisaient face.
Ils frappaient. Reculaient. Grognant. Saignant.
Leurs lames hurlaient des siècles de haine.
Et la rune noire du chef, elle guérissait ses plaies à vue d’œil. Comme si l’ombre buvait la douleur.

Pearl tenta de s’approcher.

Mais une salve ennemie la coupa net : six pirates fonçaient droit sur elle.
Elle jura, reprit sa garde, et se jeta dans la mêlée.

~~~

PROLOGUE

|Fragment scellé des Chroniques du Silencieux. Consigné dans les fondations closes de Letharielle. L’auteur n’a jamais reparu|

 

« Ils croient encore que le sol leur appartient.
Ils foulent les pierres mortes, ignorants du prix déjà payé, aveugles aux failles qui soupirent sous leurs pas.

Il fut un temps où les cités s’élevaient haut, fières, éclatantes, où la mer s’étendait, profonde et grise, jusqu’aux confins oubliés.
Mais l’avidité creuse plus profond que les racines, et le pouvoir dévore plus sûrement que le feu.

Ceux d’avant ont brisé la chair du monde. Ils ont sondé les lignes telluriques, cherché à tordre les fondations mêmes du continent, persuadés d’en extraire un savoir plus vaste que leur propre chair.
Mais ce qui sommeille sous la pierre ne se laisse ni nommer, ni dominer.

Quand ils sont tombés, la terre s’est ouverte, le ciel s’est assombri, et la mer elle-même a fui.
Le sel s’est déposé comme une plaie blanche sur les cendres encore chaudes, et là où s’étendaient les eaux, le désert s’est refermé.

Les cités d’avant sont devenues poussière, avalées par la brume et l’oubli.
Les cartes se sont effacées, les noms se sont tus.

Quelques enclaves s’accrochent encore aux cicatrices du monde, bâties sur le mensonge et la peur.
Letharielle, dressée sur les failles comme un funeste mirage.
Nerhaël, rongée par le vent salé, les os blanchis et les songes brisés.
La Fourche du Sel, carrefour fragile, où même la poussière murmure à qui sait écouter.

Ils l’appellent Haute Assemblée, comme s’il restait quelque chose à gouverner.
Les Sept se dressent, silhouettes figées, prétendant maintenir l’équilibre, mais même leurs voix se perdent dans les fractures du sol.

Les porteurs brandissent leurs Runes, gravées dans la chair, brûlées dans la pierre, ignorant qu’à chaque trait tracé, c’est un peu plus de mémoire ancienne qui saigne.

Ce qui dort en dessous n’a pas pardonné.
Et le monde, fissuré, se souvient mieux que les hommes. »

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|Fragment des Chroniques du Silencieux — Récit tardif, transcrit dans l’ombre des conclaves interdits|

« Ceux d’en haut détournent le regard, croyant que le danger viendra du ciel ou des plaines mortes.
Ils ignorent encore ce que les montagnes du Sud renferment sous leur croûte craquelée.

Le sel ne s’y dépose pas. Le vent y meurt avant d’atteindre les cimes. Même les porteurs y craignent leurs propres traces.
Ce n’est pas la pierre seule qui y sommeille, mais les restes d’un serment oublié, scellé avant la chute des anciens.

Dans les cavernes effondrées, sous les falaises pelées, rampent des souvenirs plus anciens que la Haute Assemblée.
Certains racontent que les lignes telluriques s’y brisent comme du verre sous la paume d’un traître.
D’autres parlent d’une faille béante, trop profonde pour être mesurée, là où le monde se plie sur lui-même.
Mais tous se taisent quand la nuit tombe, car c’est là que flotte le Vell-Naüth.

On croit le ciel vide, on le croit immobile.
Pourtant, son ombre revient toujours, traînée noire suspendue dans les hauteurs, vêtement déchiré d’un deuil ancien.

Le Vell-Naüth ne parle pas.
Il ne frappe pas.
Mais il veille, immuable, patrouille d’un autre âge, traçant dans l’air froid un avertissement que seuls les porteurs endormis perçoivent encore.

Ce que l’on cache sous les montagnes, ce que l’on oublie dans les abîmes, il l’observe sans relâche.
Il compte les jours.
Il attend les failles.
Il n’y a pas de paix, tant que son ombre rôde. »

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Présentation nuit blanche

 

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Et si l’horreur se cachait derrière le quotidien ?

Quinze nouvelles. Quinze descentes dans les recoins sombres de l’âme humaine.

 

Corps brisés, esprits tourmentés, pulsions refoulées… Chaque histoire de Nuit Blanche vous entraîne dans une atmosphère glaçante où la réalité vacille.

 

Avec une plume crue, dérangeante et maîtrisée, Wernert Blaise sonde la monstruosité banale, celle qui pourrait frapper à votre porte, ce soir.

 

Ce n’est pas le surnaturel qui vous fera peur. C’est vous-même.

Terre de Cendre

Dans les terres fracturées de la Haute Assemblée, les Porte-rune sont les derniers à canaliser les lignes telluriques. Ils parlent à la pierre, à la cendre, au feu et parfois, à ce qui dort sous la surface.

Ici, la magie n’est ni douce, ni brillante.

Elle marque, consume, exige.
Elle lie les vivants aux secrets oubliés du sol.
Et parmi ceux qui la manient, Pearl n’a jamais cherché la lumière. Elle la porte malgré elle.

Ancienne orpheline devenue Arpenteur Blanc, Pearl patrouille les routes entre falaises, forêts et ports, là où le Conseil des Sept étend son autorité fragile. Sa rune luit d’un éclat doré, un don qu’elle ne comprend pas, une menace pour certains.

Lorsque les voix se mêlent aux songes, lorsque les morts chuchotent des noms interdits, Pearl comprend qu’elle n’est pas seulement porteuse d’une rune ancestrale. Elle est la clef d’un monde qui s’effondre.

Magie, trahison, fuite, amour et chute.

Bienvenue dans un univers où chaque mot brûle, et où les cendres ne sont jamais tout à fait froides.

Nuit Blanche

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Bonjour j’ai l’honneur et le plaisir de vous présenter mon recueil de nouvelles : Nuit blanche paru chez Forbidden éditions.  En espérant que vous aurez envie de le lire !  Wernert Blaise 

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Monsters – Tome 1 L’Eveil de l’Hybride

Partie 1 : Est-ce un ange ?

 

Hôpital Saint Camille, Bry-sur-Marne, Paris, seize heures treize…

On entendait dans les couloirs des urgences, des cris anarchiques et étranglés d’une patiente, Noémie Ruggieri, vingt-deux ans, fraîchement amenée aux urgences à la suite d’un accident de la circulation ; État critique, dont une commotion cérébrale, de nombreuses fractures et contusions, moelle épinière gravement atteinte.

Elle fut prise en charge immédiatement, car elle avait perdu beaucoup de sang et des organes sensibles avaient été touchés.

Après 4 heures d’intervention, les médecins réussirent néanmoins à la stabiliser. Son état restait critique, mais si elle passait la nuit, alors ses chances de survie en serait multipliées.

Elle fut alors amenée en chambre, et l’ordre avait été donné qu’elle soit sous surveillance constante.

Son père, Thomas Ruggieri, un homme brun à la stature d’un colosse qui avait été appelé rapidement, et avait attendu tout ce temps était désormais à son chevet. Ce grand gaillard d’une quarantaine d’années semblait pourtant si fragile auprès de sa fille. Il lui serrait la main, lui parlait d’une voix tremblante, mais qui se voulait rassurante.

À vingt et une heures, la jeune infirmière d’origine asiatique, qui avait déjà fait moult allers-retours pour les soins de la jeune victime, était venue très gentiment lui indiquer que les visites se terminaient, et avec bienveillance, l’invita à aller se reposer et à revenir le lendemain.

Sa fille avait cessé de convulser, de crier, de pleurer… Et elle s’endormait, donc il préféra écouter les conseils de l’infirmière.

Il s’en alla, après avoir déposé un baiser tendre sur le front de sa « petite » et avoir adressé un sourire poli à la charmante nurse qui le lui rendit.

Presque minuit. Une voix douce et pénétrante sembla posséder l’entièreté de la chambre de la jeune convalescente.

Assise sur le bord du lit, la jeune infirmière aux jolis yeux en amande semblait s’adresser à elle.

« Encore des soins », pensait Noémie, dont les douleurs l’empêchaient de trouver le sommeil.

La morphine lui donnait la sensation d’être dans du coton, son corps était lourd et les possibilités de se mouvoir étaient plus que limitées.

Ses yeux injectés de sang la brûlaient et amenuisaient sa vision, posant un voile sombre partout où son regard se posait comme si elle était au fond d’un tunnel sombre. Le bourdonnement persistant dans ses oreilles lui procurait une sensation de vertige et une migraine continue. Les mots qu’elle peinait à entendre résonnaient dans sa tête. Tout était confus et sourd, ce qui la mettait dans un état de désorientation constant.

Elle sentit pourtant ses sensations changer soudainement…

Le tunnel sombre sembla s’auréoler de lumière, et même si le visage de l’infirmière restait relativement flou, les expressions de son visage reflétaient une bienveillance qui réconforta un peu Noémie.

Il en fut de même pour son ouïe. La sensation de migraine disparut, et les bourdonnements laissèrent place à un écho qui semblait presque irréel.

« Je dois rêver », songea alors la jeune femme alitée.

L’infirmière lui parlait d’une voix rassurante même si elle semblait à la fois lointaine et proche. Les mots eux, ne correspondaient pas vraiment au son réconfortant qu’elle entendait, pas toujours :

« Tout va bien se passer Noémie. Je suis ici pour prendre soin de toi. Tu vas enfin être délivrée. Je vais t’aider à quitter ce monde de douleur et te révéler enfin. »

La jeune Noémie, peinant à ouvrir ses paupières gonflées par le choc terrible de l’accident, se sentit soudain, en plus d’être complètement abasourdie par la morphine déjà administrée, désorientée par ce qu’elle entendait, ne sachant pas comment interpréter ces murmures. Était–elle sous l’influence des médicaments ? Cette voix était-elle réelle ?… Était-ce un ange ?

Elle redressa la tête autant qu’elle put, et distingua une silhouette à ses côtés. Dans la pénombre, se tenait une jeune femme aux longs cheveux noirs qui encadraient un visage lisse. En plissant ses yeux endoloris, elle croisa son regard étincelant. Qu’elle était cette expression ? Un mélange étonnant de douceur, et de détermination ? Tout semblait irréel dans la posture de cet être, et Noémie ne savait pas si elle pouvait, à ce moment précis, se fier à ses sens.

Elle n’était pas particulièrement croyante ou superstitieuse et, même si les vieilles histoires de ses parents ou autres récits modernes des youtubeurs sur le paranormal la faisaient souvent sourire, à ce moment précis, elle fut persuadée qu’un être mystique lui parlait. La seule chose qu’elle eut du mal à cerner était si elle comprenait bien le sens des mots qu’elle entendait : « Délivrée…. Quitter ce monde de douleur… Se révéler ». Les mots, prononcés lentement, lui auraient collé des frissons si les drogues ne faisaient pas autant effet, tant elle en percevait le double sens.

Lui voulait-elle du bien ? Ou allait-elle l’achever ici et maintenant ?

 « Qui êtes-vous ? Demanda-t-elle fébrilement, la voix tremblante.

  • Tout va bien, répondit chaleureusement la voix à ses côtés. Je suis ici pour toi Noémie ».

Pourtant, un sentiment trouble se déversa dans la tête de la jeune patiente. Un sentiment de réconfort dans la voix de l’ange à ses côtés, mais aussi un très, mauvais pressentiment l’envahirent. Comme si elle savait que quelque chose d’horrible allait lui arriver. Elle commença à se sentir piégée et, malgré tout ce flux négatif, un étrange soulagement coula dans ses veines, lui procurant une chaleur remontant de son ventre à sa poitrine.

« Vais-je mourir ?… Osa-t-elle alors. Vous allez me tuer n’est-ce-pas ? ».

Des larmes s’échappèrent des yeux enflés de Noémie sans que celle-ci ne puisse les contrôler.

C’est la deuxième fois aujourd’hui qu’elle se sentait aussi perturbée. Une coïncidence frappante ou l’ironie du sort pensa-t-elle.

Elle n’osa pas appeler à l’aide. À quoi bon ? De plus, la sonnette d’appel lui semblait si loin. Elle sentait la fin arriver. Elle ignorait juste quand et comment. Elle avait l’impression que son instinct lui ordonnait de fuir, mais que sa raison lui demandait de rester. Dans tous les cas, son corps n’y pouvait rien.

Sa confusion ne cessait de croître. Que faire ? Rien… Rien ne lui était possible dans son état.

L’ange sourit tendrement, mais ne trahit aucunement sa détermination à lui prendre la vie, elle, si meurtrie, mais semblant enfin se résigner à ce qui l’attendait.

« Avant de partir, je voudrais juste connaître votre nom », pleura doucement la condamnée.

Dans un dernier geste de tendresse, la soignante laissa glisser une caresse sur la joue de Noémie, affichant pour la dernière fois au regard de la jeune femme un sourire empreint de douceur. Elle se pencha doucement au-dessus de Noémie. Une étrange fumée bleuâtre s’échappa de ses lèvres entrouvertes et envahit la bouche de la jeune femme allongée. Le doux poison pénétra dans chaque cellule de son corps.

« Anako… Mon nom est Anako… », sourit la nurse, accompagnant Noémie à son dernier souffle.

Le regard de Noémie se voila puis elle perdit connaissance avant que la mort ne l’emporte inexorablement.

L’ange de la mort quitta lentement la pièce pendant que le moniteur lançait désormais l’alerte du décès de la jeune femme.

Une larme discrète s’écoula de son visage malgré la satisfaction du travail accompli.

D’autres soignants, n’ayant pas remarqué la présence de l’infirmière aux abords de la chambre, s’affairèrent au plus vite auprès de la patiente amenée plus tôt dans la soirée.

Ils tentèrent en vain de la réanimer. Une heure du matin, l’heure fatidique du décès fut annoncée par le médecin dans une résignation, mais aussi une incompréhension relative. Qu’avait-il bien pu se passer pour qu’elle décline si soudainement ? Visiblement, son état était loin d’être si stable que les examens l’avaient laissé présager.

Une voix vint soudainement ramener Anako à la réalité…

– « ANAKO !!! La chambre 203 a besoin de son traitement !!! Je peux te laisser t’en occuper ? » demanda alors Vanessa, une collègue de son service.

– Bien sûr, répondit Anako affichant un sourire courtois à sa collègue. Je m’en occupe tout de suite.

La jeune infirmière reprit son travail, comme si rien d’autre ne s’était passé. La sombre tâche qu’elle venait d’accomplir semblait déjà loin derrière elle.

Elle alla prendre le chariot à médicaments pour se diriger vers la chambre 203, lorsque le brancard portant le corps couvert de Noémie Ruggieri passa devant elle.

Anako suivit le trajet mortuaire de la jeune décédée, stoïque, puis reprit son activité, comme si tout ce qui était arrivé n’était qu’un entracte dans une pièce de théâtre morbide.